INTERVIEW – Question : Bonjour Philippe HeNGo, Tu as abordé la musique en tant que batteur pour ensuite devenir chanteur. Comment as-tu été amené à faire un spectacle sur Gainsbourg, il y a maintenant plus de 20 ans ?
Philippe HeNGo : Comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai eu une période de découverte de l’artiste, qui a dévié vers une passion et m’a amené ensuite à découvrir toute son œuvre musicale.
Q : En particulier, qu’est ce qui t’a amené à vouloir le découvrir ?
P.H. : C’est le ton qu’il a employé. En décalage pour l’époque, il ne pouvait, à mes yeux, que susciter l’intérêt. Je me sentais en phase avec son état d’esprit.
Q : Alors, décalage pour l’époque ou précurseur d’une époque à venir ?
P.H. : Les 2. Il a choqué à son époque, mais si on le remet dans le contexte d’aujourd’hui, je ne suis pas sûr que cela ait le même impact.
En revanche, il a été précurseur dans le sens où son état d’esprit a déteint sur la génération suivante dont je fais parti. Je veux en venir à l’appellation de mon spectacle « Un Gainsbourg peut en cacher un autre », « Un Gainsbourg », et j’estime être en réalité un Gainsbourg parmi tant d’autres.
Q : Je comprends mieux la teneur de ton spectacle, tu es Philippe HeNGo s’employant au travers des chansons de Gainsbourg à pérenniser son œuvre, en fin de compte ?
P.H. : Complètement, j’estime que son œuvre appartient à tout un chacun. C’est même une attente du public que de la partager. Je préfère cette démarche que celle de vouloir se l’accaparer tout entière.
Q : Donc, tu souhaites retransmettre ce que toi, Philippe HeNGO, tu as ressenti du personnage Gainsbourg à ton public ?
P.H. : Tout à fait, c’est redistribuer le personnage tel que je le perçois et à travers le filtre de ma personnalité. Cette perception a été imprégnée par l’état d’esprit Gainsbourg, ce ton décalé, qu’il a en quelque sorte mis en place … et qui a, sans qu’il l’ait vraiment cherché, influencé durablement toute une génération.
Q : Pour en arriver là, il y a eu un moment donné où Philippe HeNGo s’est confondu dans Gainsbourg/Gainsbarre ?
P.H. : Probablement à une certaine période !
Il y a eu une certaine boulimie de Gainsbourg qui a débouché sur une phase de digestion pour ensuite mieux le rendre « sans mauvais jeu de mots » !
Q : Une fois que tu as digéré tout ça, pour le rendre, tu n’as pas été trop malade ?
P.H. : Par amour, tu peux aller du dégout à l’appétit, et de l’appétit au dégout !
Q : Mais là, tu es entrain de me faire du Gainsbourg dans Anna ?
P.H. : No comment !
Q : Mais alors, dans toute cette digestion, ce sont les mots ou la musicalité que tu as préféré ?
P.H. : Les 2 mon colon ! Rien n’est à chier, et tout est lié.
Ca a été l’un des premiers à poser ses mots sur sa musique de manière précise et mesurée. Alors qu’à l’époque, il y avait soit de bons paroliers, soit de bons mélodistes, mais rarement les 2 … ensemble.
De plus, il avait l’art de minimiser ses phrases, d’être concis. Mais il en disait beaucoup, avec beaucoup de sens.
Il avait aussi l’art de mettre en chanson sa vie perso sans saouler personne, grâce à la dérision, l’autodérision, l’humour, les sous entendus proposés de manière sous-jacente.
Classieux, non !
Q : En parlant de vie perso, pourquoi en es-tu arrivé à faire un spectacle, et pas seulement te le garder comme ami ?
P.H. : Ami précieux !
J’ai toujours été séduit par l’art du spectacle vivant qui allie chanson et dires. C’est, je crois, la richesse de son alchimie qui a incité mon choix. J’avais conscience de toute cette richesse, et j’étais aussi conscient que ce n’était pas forcément coquet à retrouver sur un autre artiste.
Q : A propos, quelle est la similitude avec les interprètes, sosies de Clo-clo ou Johnny ?
P.H. : Aucune, mon Polac !
Le public de Gainsbourg à son époque n’avait rien à voir avec le public de Clo-clo & Johnny en leur temps, pour ne citer qu’eux. Et j’observe aujourd’hui que cela s’applique toujours quelque part. C’est pour cela que je préfère parler pour mon compte de comédien-interprète plutôt que parler de Sosie !
Q : Dis-moi Philippe ? Je devine que cette nuance n’est pas simple à communiquer ?
P.H. : Yes man !
La première pensée – crainte d’un spectateur lambda est de savoir s’il ne va pas se retrouver face à une pale copie du personnage, parce que l’on touche à un mythe ! Gainsbourg a toujours un pouvoir de fascination. Et le public tend à rester sur la nostalgie sensuelle de ses propos. Alors pour ceux qui osent, en se disant soit on est curieux, ou alors de toute façon, on pourra toujours rigoler doucement ! Parce que c’est très tendance de vouloir rigoler doucement avec le style de spectacle télévisuel actuel ! Bref, en tout cas, les spectateurs se retrouvent face à ma démarche qui les surprend car ils ne s’attendent pas à ce que je développe ma personnalité, ensuite ils sont invités à déconner dans le ton et l’esprit Gainsbourg, et au fur et à mesure, c’est une découverte et une appréciation de cette ambivalence … une découverte qui les séduit. Le retour spectateur est manifestement plaisant et positif. De plus, le spectacle suit une progression tant dans la chronologie musicale que dans l’ambiance. Ambiance qui se gonfle au fil des 3 heures.
Allez, viens t’encanailler, p’tit gars !
Q : Mais alors Philippe, ton public, tu le trouves où ?
P.H. : J’aime bien l’association Gainsbourg – ripaille – gorgeon – guinche.
Je pratique dans des petits lieux, resto, petites salles, cabarets, comme à l’origine des prestations de Gainsbourg. … mais toujours avec le désir d’être proche des gens. Par souci de partage !
C’est essentiel que le public rentre dans l’histoire, s’investisse, qu’il ose quoi … afin qu’ils s’étonnent ! C’est pour cela aussi que j’invite derrière le micro quelques intervenants.
J’ai bien l’intention de vous faire chanter … dans le bon sens du terme, rassurez-vous !
Alors, je ne demande pas de prouesse particulière, mais j’incite à la bonne volonté, la spontanéité, c’est le principal. A ce moment là, le duo improbable devient un moment unique.
Q : Du coup, tu gères tout tout seul ?
P.H. : Oui …
C’est en quelque sorte, un One-man-show.
Participatif ! Pas dégueu !
Q : Alors Philippe, pour en revenir à l’origine de ta démarche, le déclic, l’instant « T », c’est quoi ?
P.H. : Bah, j’me suis regardé dans la glace, j’me suis dis : Ah, j’crois que j’suis assez moche …
La laideur a cela de supérieur à la beauté, c’est qu’elle dure ! Ca m’arrange … Peut-être !!!
Q : Gainsbourg a inspiré beaucoup d’artistes, et ça rejoint ton propos sur le fait qu’une génération a été imprégnée … Que penses-tu de ce phénomène ?
P.H. : C’est certainement magnifique d’avoir inspiré nombre d’artistes, Gainsbourg lui-même s’inspirait de compositeurs, écrivains … Mais je crois qu’il faut éviter tout abus, tout racolage intempestif qui peut nuire à l’intégrité de son œuvre. Faut soigner le « Cloud » Gainsbourg !
Ouais, Gainsbourg de ci, Gainsbarre de là ! Oh, cool les gars. J’ai l’impression d’être un p’tit chien au bout de sa laisse à qui on ne laisse pas le temps de faire sa crotte !
Q : Bien, dis-moi Philippe, le spectacle a-t-il évolué depuis ses débuts en 95 ?
P.H. : Oui et non ! OUI, parce qu’il s’enrichit au fur et à mesure des représentations. Je fais référence au côté « participatif » qui m’inspire à l’occasion. Et aussi certaines chansons viennent en remplacer d’autres. De plus, l’expérience, la maîtrise de l’appréhension, l’assurance et l’aplomb sur scène en sont les conséquences.
Et enfin, NON, car la trame du spectacle est sensiblement la même. Il y a aussi les incontournables ! Le poinçonneur, Elisa, Bonnie & Clyde, Harley Davidson, Je t’aime moi non plus …
Q : Comment s’articule le spectacle, je crois que tu m’as parlé de progression ?
P.H. : Affirmatif ! Une progression « crescendo » parce que je commence par les 1er titres, qui peuvent, à l’occasion, glacer l’ambiance, comme savait si bien faire Gainsbourg à ses débuts, et malgré lui. Pour ensuite aller vers des titres plus connus et fredonnants qui apaisent l’air ambiant. Entracte ! Après Gainsbarre arrive avec sa provoc et son second degré ornés de quelques chansons pour aller vers des titres à ambiance et finir en danse collective sur 2 morceaux (New York USA & Sambassadeurs) où je m’explose au Djembé. C’est le clou final. Maintenant, il y a un rappel qui se barre funky !
Q : Quel période de Gainsbourg as-tu voulu faire ressortir ?
P.H. : Gainsbourg « initial », parce qu’il y a, je crois, plus de profondeur dans les textes de ses débuts. S’il y a art majeur, c’est plutôt dans Gainsbourg de cette époque.
Mais aussi, Gainsbarre, pour le côté délire qu’il permet.
Q : Après 18 ans de représentations, as-tu toujours, comme ton mentor, le trac ?
P.H. : C’est beaucoup plus facile à gérer maintenant. C’est le blindage qui s’épaissit !
Seulement, il y a toujours l’appréhension de savoir si toutes les conditions d’approche sont réunies. Mais … le début du spectacle et son côté glacial peut me revenir en pleine face et, du coup, me mettre mal à l’aise. Après, c’est du velours !
Q : Ok ! Alors, moi, ça me fait penser qu’il y a probablement des points communs entre toi et Gainsbourg ?
P.H. : Ce n’est pas évident à affirmer, mais il y a peut-être la retenue suivant certaines situations, le côté un peu maniaque, l’approche humaine, la clope, quelques gouttes d’alcool, et la taille … du nez et du sexe bien sûr !
Q : Bien sûr ! Ouais mais y a-t-il une similitude avec son rapport avec les femmes ?
P.H. : Les femmes qui partagent une chanson avec moi pourraient te témoigner de ma bienveillance vis-à-vis d’elles. En tous cas, je préfère le genre féminin.
Q : Cool ! Et, te sens-tu mieux dans la peau de Gainsbourg ou Gainsbarre ?
P.H. : Quand je suis sérieux, je choisis Gainsbourg. Mais quand je veux déconner, je préfère Gainsbarre ! Non … Je pense savoir faire la part des choses et être suffisamment avisé pour m’en détacher. Il faut maîtriser ce jonglage ! Gainsbourg & Gainsbarre ont un vestiaire permanent chez moi ! No problem !
Q : Mais, tu as choisi Gainsbourg par snobisme ?
P.H. : « le snobisme, c’est une bulle de champagne qui hésite entre le rot et le pet ».Si Gainsbourg le transposait aujourd’hui, il pourrait dire « le snobisme, c’est une poussière de coco, qui hésite entre la narine gauche et la narine droite ! ».
Q : Tu fumes des Gitanes ?
P.H. : Oui, mais jamais en dehors du service !
Q : Tu bois ?
P.H. : Ah oui, mais je compte me mettre au verre …
Q : Tu te rases ?
P.H. : me raser me rase.
Q : Tu suces ?
P.H. : Des casse-croutes de pingouins ? Ou le bâton de Berger ?
Q : Dis moi, y’a un truc qui me tracasse, là-haut? Tu as revue Whitney Houston ?
P.H. : Eh ouais, du coup … sans Drucker, c’était bonnard !